Amériques : Le développement de la religion musulmane, un phénomène intéressant

8:45 - June 07, 2021
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Téhéran(IQNA)-La place qu´occupe l’Islam en Amérique latine et aux Caraïbes est peu connue. Ses fidèles sont au nombre de 650 000 personnes. Ils sont très minoritaires, entre 0,01 % et 0,3 % de la population de chaque pays.

Les importantes communautés arabes sont le plus souvent chrétiennes. L’exception est le Suriname, où ils représentaient déjà 22 % de la population en 1992, selon le traducteur et grand reporter français Edouard Bailby, qui fut également attaché de presse de l'Unesco.

L´historien malgache Raymond Delval, expliquait finement les différents enjeux et les différentes situations quand il écrivait que “les musulmans de l'aire caraïbe (Suriname, Guyana, Trinidad et Tobago) d'origine asiatique (indienne ou indonésienne) font preuve de vitalité et de dynamisme en raison de leur importance numérique, de leur organisation ancienne et structurée, et de leur unité linguistique anglophone. L'Islam latino-américain proprement dit, d'origine arabe, avec l'importante communauté brésilienne lusophone et les diasporas des hispanophones, se heurte à l'obstacle linguistique malgré l'aide des pays arabes.”

Les musulmans d’Amérique latine sont peu étudiés, notamment car la population y est clairsemée et faible dans la plupart des pays, selon le Pew Research Center basé à Washington, aux Etats-Unis. Les pays hispanophones voient se développer des structures musulmanes locales par des citoyens dont les parents sont des immigrés alors que le Brésil présente “un cas particulier d’Islam plus local. La structuration de ces musulmans en Amérique hispanophone passe le plus souvent par une connexion forte soit avec les pays d’origine, soit avec des groupes très actifs aux États-Unis (et l’un n’empêche pas l’autre), et donc par la circulation de prédicateurs et de biens symboliques”, selon Sylvie Taussig, chercheuse au Centre national de la recherche scientifique (CNRS) et à l´Institut français d'études andines.

Les premiers musulmans à s'installer au Brésil furent “les milliers d'esclaves déportés d'Afrique” rappelle Paulo Farah, directeur du Centre d'études arabes de l´Université de Sao Paulo. Ils représentaient 15 % des esclaves. Au XIXe siècle, ils se révoltèrent plusieurs fois mais la plus importante fut la Révolte des Malês à Salvador de Bahia en 1835. Paulo Farah, également professeur de littérature arabe, remarque que «les autorités l'effacèrent des livres d'histoire». Le cas brésilien est également intéressant malgré le peu de statistiques : “il est impossible de savoir combien le pays compte de musulmans, puisqu'ils sont enregistrés dans la catégorie “autres”, mais on estime qu'il y en a environ un million”, selon Paulo da Rocha Pinto, professeur à l'université Fluminense. Si au tout début du XXe siècle, les “Turcos” sont arrivés (Syriens, Libanais et Palestiniens avec des passeports ottomans et qui pour certains étaient musulmans), la première mosquée ne date que de 1960. L´anthropologue brésilien ajoute que l´indicateur pertinent pour mesurer cette augmentation de fidèles est le nombre de lieux de culte en constante augmentation. Cela vient des conversions des dernières années. Principalement des femmes. Le message d'égalité et de justice sociale de la religion musulmane séduit les communautés les plus pauvres et notamment la jeunesse.

Au Mexique, il y a eu un mouvement de conversion au Chiapas dans le sud du pays. L'anthropologue Gaspar Morquecho, professeur à l'Université Autonome de cet Etat, affirme qu'un Espagnol converti, Aureliano Perez, y est arrivé en 1993 et y a introduit l'Islam dans la population indienne. La ville de San Cristobal de las Casas compte la plus grande communauté avec environ 500 fidèles. Précisons que la religion catholique majoritaire y perd du terrain chaque jour face à l'Islam mais surtout aux églises protestantes.


Aux États-Unis, les musulmans ne représentent que 1,5 % de la population. Ils se concentrent dans les grandes agglomérations du nord-est, du Texas et de Californie. Ils sont arrivés à partir des années 1960 du fait de l’abolition de lois restrictives en matière d’immigration. Nous sommes aujourd'hui en présence d'une population de classe moyenne et une classe moyenne supérieure avec des professions libérales (avocats et médecins) et des ingénieurs. Notons que la communauté musulmane américaine est très hétérogène (Maghreb, Moyen-Orient, Asie, Balkans) et jeune (44 % ont entre 18 et 29 ans). Malgré tout, près d'un quart des musulmans seraient des convertis. Selon le Pew Research Center, 67 % sont d'anciens protestants, 10 % d'anciens catholiques et 15 % n'avaient pas de religion. En 2009, à peine 1% des musulmans Américains avaient des parents Latinos, selon l’Institute for Social Policy and Understanding de Washington. En 2018, ils étaient 7%, principalement au Texas et en Floride.

Le développement de la religion musulmane répond donc à des dynamiques complexes et différenciées en fonction des pays. Un phénomène qui connait une croissance lente mais certaine.

anadolu

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